Témoignage de mon Burn-Out

La Lionne de Belfort Terrassée

Mon parcours authentique : de directrice financière épuisée à fondatrice d'une terre de répit

17 ans de passion, puis le bouleversement

En 2015, le grand groupe où je travaillais comme Directrice Financière depuis 17 ans a été racheté par une autre société. J'avais construit une superbe équipe d'une centaine de personnes. Nous faisions comptabilité, fiscalité, contrôle de gestion, dans un esprit d'enthousiasme, de solidarité et de bienveillance.

Nos valeurs étaient, la rigueur, la transparence, la solidarité et surtout l'enthousiasme.

Notre devise : « On peut travailler sérieusement sans se prendre au sérieux ».

Le rachat a bouleversé notre quotidien : nouveaux interlocuteurs, nouvelle langue, méthodes, outils, mentalités… Malgré ma résilience, après deux ans, les signes d'usure sont apparus. Fatigue au réveil, troubles du sommeil, irritabilité inhabituelle. Un jour, lors d'un comité central d'entreprise, j'ai découvert en direct une présentation annonçant des changements d'organisation avec des suppressions de postes dans mon service… dont je n'avais pas été informée. On m'a demandé de commenter devant les syndicats.

Humiliation totale. En sortant, j'ai failli m'en prendre physiquement à ma supérieure. Heureusement les syndicalistes étaient là pour m'arrêter afin que je ne commette pas l'irréparable. Et là je me suis dit :

"tu as atteint la limite de ce que tu peux encaisser".

Le diagnostic : syndrome dépressif réactionnel

Mon médecin m'a arrêtée pour « syndrome dépressif réactionnel » — en clair, un burn-out. J'ai tenté de me reposer, puis suivi une cure à Saujon à coté de Royan. Et là je me suis retrouvée des gens qui souffraient de maladies psychiatriques, psychiques ou mentales comme la bipolarité ou la schizophrénie. Je ne pense pas que l'épuisement professionnel soit une maladie de ce type. C'est plutôt un état d'épuisement comme le décrit Florence PAROT, sophrologue et créatrice de la Burn-out Academy :

"Le burn-out est un syndrome d'épuisement total, physique, émotionnel et mental qui dure dans le temps et est dû à trop de tout pendant trop longtemps".

- Florence PAROT

Quand la lionne de Belfort s'effondre

Ce fut un moment de convalescence, mais le mal était plus profond. Moi, la Lionne de Belfort, j'étais à terre. Incapable de gérer mes enfants, de lire un mail, d'écouter les infos. J'avais envie de faire des choses, mais je n'y arrivais pas — grande différence avec la dépression, où l'envie disparaît.

L'angoisse était permanente. Moi, l'hyperactive, le juke-box à réponses, j'étais figée dans un brouillard mental.

Quand j'y réfléchis maintenant, je me rends compte qu'à l'époque :

Je n'ai pas manqué de courage, mais j'ai juste fini par manquer de forces.

Face au mur administratif

Très vite, la CPAM m'a convoquée. Le médecin-conseil, ignorant visiblement le burn-out, m'a déclarée apte au travail. Refus de prolonger mon arrêt. Choquée, j'ai envisagé la démission. Grâce à une amie avocate et à des syndicats bienveillants, j'ai pu négocier une rupture transactionnelle avec allocation chômage. Avec le recul, c'était un véritable accident du travail.

La rechute : quand l'anxiété revient

Après un an de repos, j'ai repris un poste de responsable de services partagés comptables, avec une super équipe. Mais rapidement, les crises d'angoisse sont revenues : la gestion des problèmes et des mails réveillait la panique. Tension à 18, prise de poids…

Mon médecin m'a lancé : « Choisis entre la vie et la mort » :

J'ai choisi la vie.

Nous avons mis fin à ma période d'essai, avec le soutien bienveillant de ma manager.

La thérapie EMDR : ma planche de salut

Puis j'ai rencontré Christophe Collin, spécialiste EMDR. Il m'a expliqué que le burn-out pouvait être traumatique et que cette thérapie aiderait. Quelques séances ont suffi pour relâcher tensions, colère et mémoires douloureuses. J'ai retrouvé peu à peu la capacité à accepter de petites contrariétés. Les séquelles restent, mais je gère mon rythme au mieux, mais la prudence est de mise.

La renaissance : de la passion à la mission

La vie m'a ensuite guidée vers mes passions : ouvrir une chambre d'hôtes, cuisiner pour mes clients. J'ai passé un diplôme de cuisinier et, en attendant la fin des travaux du Chai Saint Jean à Saint-Jean-de-Boiseau, je travaille également dans un ESAT en qualité de monitrice de cuisine. J'y ai découvert un management adaptatif voir inversé : s'adapter aux capacités de travailleurs handicapés pour sortir 150 repas par jour. Une leçon d'humilité et d'humanité.

Ma promesse : créer une terre de répit

Aujourd'hui, je réalise la promesse faite au creux de ma détresse : créer un lieu de répit pour personnes en burn-out. En écrivant ces mots l'émotion est encore là, mais ce sont des larmes de bonheur car je vais pouvoir enfin aider à mon tour d'autres gens qui sont touchés par le burn-out et surtout faire de la prévention.

Comprendre le processus du burn-out

J'ai suivi des formations sur la relation d'aide et sur le burn-out, où j'ai compris le mécanisme : une personne hyper-investie, élevée dans le « sois fort » ou « sois parfait », confrontée à une situation professionnelle toxique… et tout dérape.

J'ai lu, Je ne te pensais pas si fragile de Kikka. Ce livre m'a bouleversée : tout y était, comme si mon burn-out avait été programmé « à l'insu de mon plein gré » comme on le dit parfois en plaisantant.

Ma mission aujourd'hui

Mon objectif désormais : accompagner ceux qui sont en burn-out, mais aussi et surtout informer et prévenir.

La santé au travail est un vrai sujet. Il est important de sensibiliser les médecins généralistes, les médecins du travail, les médecins conseil de la CPAM, les pharmaciens, les RH, les managers, les syndicats, et tous les collègues qui peuvent à un moment critique, donner l'alerte. Et ce sont nos témoignages, de patients résilients, qui sortis des difficultés, qui peuvent justement les sensibiliser.

Reconnaître les signaux d'alarme

Quand l'un de vos collègues hyper investi va mal, qu'il est irritable, fatigué, surmené mais qu'il vous dit "ne t'inquiète pas, je gère", la réalité, c'est qu'il est déjà en pré-burn-out.

Est-ce que je peux l'aider ? Oui sans doute en l'écoutant, en l'invitant à prendre du recul, à se reposer et si les choses se dégradent, en lui conseillant d'aller voir son médecin traitant, un médecin ou un psychologue du travail.

Alors, écoutez, soyez attentifs, bienveillants envers vous-même et envers les autres. Et partagez vos témoignages : ils peuvent sauver quelqu'un.

Carole Becht
Fondatrice du Chai Saint Jean - Une Terre de Répit
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